Monsieur Bonhomme

Le 16 octobre 2008, ma Maman est allée faire des courses en ville. Fait anodin me direz-vous. Certes. Mais ce jour-là, étant d'humeur joyeuse et généreuse, elle fit un détour par chez Pimkie's et nous ramena, à Fany et à moi, un t-shirt estampillé d'un Monsieur Bonhomme. Je suis persuadée que vous connaissez ces petits personnages dodus et colorés dont les histoires sont racontées dans les petits livres blancs et mous qui ont bercé notre enfance : Madame Coquette, Monsieur Glouton, Madame Chipie. Et Monsieur Parfait. Lorsque je suis rentrée de l'unif, Maman a brandi un sac en plastique sous mon nez. Je l'ai pris, merci, il ne fallait pas. De rien, j'ai pris à ta soeur "Little Miss Sunshine". J'ai étalé la blouse à bout de bras et, en voyant le dessin et le slogan qui l'entourait, j'ai senti dans ma gorge gonfler une grosse boule de chagrin et à mes yeux monter de petites larmes ridicules. J'ai vite embrassé ma Maman, emporté le vêtement et suis allée me réfugier dans la salle-de-bain. Là, assise sur le rebord de la baignoire, j'ai pleuré sans faire de bruit. Sur le t-shirt, au-dessus du bonhomme bleu, était écrit "Still waiting for Mr Perfect". Alors, c'était ça. C'était comme ça qu'on me voyait : Maryse la célibataire, le coeur à prendre. Maryse-Diane-chasseresse, la fille-qui-cherche-un-garçon. Celle pour qui on arrange des coups foireux, celle qu'on place à côté de parfaits inconnus, celle qui est délibérément libre et libérée. Cela voulait-il dire que, dans la vie, nous ne sommes défini que par l'autre? Doit-on être deux pour exister? Ne peut-on être vivant si personne ne nous aime? Ne peut-on être vu, si personne ne nous regarde ; être entendu, si personne ne nous écoute ; être de chair et de sang, si personne ne caresse cette chair et coule dans nos veines? J'ai ravalé mes larmes, essuyé mes yeux et me suis plantée devant le miroir : "Tu n'as besoin de personne. Tu peux être heureuse, même seule". Ah oui? Neuf jours plus tard, j'avais accusé le coup. Entourée de copines pas plus en couple que moi, je dansais joyeusement au rythme pop-rock d'une de mes soirées fétiches. Je n'avais besoin de personne, après tout. Il suffisait d'amis pour ne pas être seule, de vin pour se réchauffer et de films avec Meg Ryan pour rêver. Cette nuit-là, parmi les têtes connues et les bras tendus, entre un Bob Morane d'Indochine et 99 Luftballons, j'aperçus un visage que je connaissais pas. -"Il est mignon, non, celui-là. Tu le connais?" demandai-je à Natasha. Non, elle ne connaissait pas. "Arrête, Maryse" me dit une petite voix. "Si tu cherches trop, tu ne trouveras jamais". J'ai donc écouté la petite voix. Et j'ai fort bien fait : je n'avais plus besoin de chercher. Je venais de Le trouver.

Comments

[Davidounours]

Votre gentille maman fut un peu maladroite sur ce coup-là. Ce n'est pas un t-shirt estampillé "Still waiting for Mr Perfect" qu'elle aurait dû vous offrir, mais plutôt "Perfect is not enough for Me" !

Cela me fend le coeur que vous ayez eu de la peine, mais je me réjouis que vous ayez, semble-t-il, trouvé quelqu'un qui ait su vous apprécier à votre juste valeur, infinie. Je me réjouis que Mr Perfect ne soit pas venu vous empêcher de croiser la route et, par la même occasion, rallumer la flamme de ce chanceux inconnu de la soirée pop-rock.

J'espère que si vous pleurez encore à l'avenir, ce seront des larmes de joie, sinon, l'inconnu sèchera vos perles d'eau salée, toutes, sans exception.