Beurre et chocolat
Tout à l'heure, alors que j'étais en train de préparer la pâte à cookies, mes narines se sont soudainement affolées : une délicieuse odeur d'enfance a ravivé des souvenirs comme la petite madeleine de Proust, trempée dans une tasse de thé, faisait revivre les fantômes de Combray. Cette odeur, c'était celle de beurre et du chocolat fondus ; ce souvenir, c'est celui des recettes du Dorémi que l'on faisait avec maman, après les devoirs.
Quand j'étais petite, la télévision n'avait pas voix au chapitre : on rentrait de l'école, on prenait un goûter léger puis zou! les devoirs, le quart d'heure de lecture à haute voix et enfin les jeux : pâte à sel et coloriage, Barbies et Playmobils, apprentissage précoce de la sauce spaghetti et construction de villes en Duplo.
Il y a un moment que j'aimais par dessus tout : l'instant ou mon papa rentrait de la pharmacie. Le parfum du souper flottait dans l'air, le nuit tombait et par contraste avec les fenêtres sombres, notre maison semblait encore plus chaleureuse, encore plus cosy. Mes soeurs et moi, lavées et déjà mises en pyjama, jouions dans la cuisine où on nous avait installé trois petits bureaux assortis de tableaux pour imiter nos institutrices (leçons d'analyse, contrôle de calcul et prise des présences des élèves imaginaires dans nos petits cahiers). Les soupers commençaient parfois par un apéritif (rhum-coca pour les parents, seulement 7 chips par enfant) mais terminaient toujours de la même façon : une fille sur les genoux de papa, une fille sur les genoux de maman et la troisième en spectacle (souvent chez Jacques Martin...).
Suivaient l'inévitable brossage des dents, le petit zimafluor et les trois histoires, lues par maman qui parvenait à nous prendre toutes les trois dans ses bras. Elle passait ensuite près de chacune pour dire la prière : nous serrions fort sa tête contre nos petits corps et récitions sans conviction le Je-Vous-Salue-Marie avant d'émettre nos souhaits qui ressemblaient vaguement à ceci : "Petite Jésus bénissez Papa, Maman, Fany et Evelyne, Faites que Papy-Mamy-Bonne-Maman-Tonton-Tati ne meurent pas tout de suite, guérissez Dora et faites que je réussisse mes examens". Ridicule, vu sous cet angle, mais je vous assure que ces intentions dégoulinaient de sincérité. Enfin maman quittait la chambre commune et nous lui criions bonne nuit les unes à la suite des autres (avec bien sûr des "je t'aime fort", des "bisous-bisous-bisous" et même un "merci pour la fête, merci pour les cadeaux" qu'Evelyne, née en mars, à hurlé jusqu'en juillet).
Souvent, je me dis que dans la vie, j'ai trois grandes chances : la première, c'est celle-ci. Une enfance heureuse (oui, je sais, c'est cul-cul... mais je suis certaine que certains comprendront).
ps : pour la recette des cookies : http://cakesinthecity.blogspot.com/2008_08_01_archive.html